La Chance aux Enfants
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En tête à tête avec… Laurent SZEWCZYK (triathlon)

Durant cet été, Dominique et Mélanie vont à la rencontre de personnalités et de structures partenaires contribuant à la réussite de nos projets en faveur des enfants.
Professeur et président d’un club de triathlon, Laurent SZEWCZYK aura su faire partager sa passion sportive à de nombreux jeunes participants de la Journée Olympique. Il a accepté de répondre aux questions de Dominique et Mélanie…

Dominique REGIA CORTE : Laurent, pour le public qui ne te connaît pas, peux-tu te présenter ?

Laurent SZEWCZYK : Je suis professeur d'éducation physique au collège Jean Vilar d’Angres depuis plus de vingt ans. Je suis responsable d’une section sportive triathlon dans ce collège depuis 2009, et Président du club de triathlon de Liévin depuis 2004.

Dominique : Avec ce club de Liévin, tu as déjà pu organiser pas mal d’opérations. Mais tu n’es pas tout seul ?

Laurent : Non, je ne suis pas tout seul. J’ai mon acolyte Laurent PHILIPPE, qui est à mes côtés depuis le début. Ça a évolué un petit peu au niveau du bureau du comité directeur du club. J’ai une équipe solide derrière moi, des bénévoles aussi qui sont engagés et motivés sur tous les événements qu’on a pu monter depuis vingt ans maintenant.

Mélanie BEAUCOURT : Et est-ce que tu as pratiqué le triathlon à haut niveau ?

Laurent : Je l’ai pratiqué mais pas à haut niveau. J’aimerais bien en refaire quelques-uns, oui. Mais il faut être prêt pour y aller. Sans préparation, ce n’est pas possible.

Dominique : Pourquoi avoir choisi le triathlon ? Qu’est-ce qui t’a attiré dans cette discipline ?

Laurent : J’ai passé deux fois le CAPES [certificat d’aptitude au professorat]. Je faisais de l’athlétisme à cette période. À l’issue de cette deuxième année, je me suis un peu remis à l’athlé, et c’était devenu un peu compliqué, car ceux qui étaient derrière étaient passés devant. Puis je suis arrivé à Angres. Je me cherchais un petit peu. J’avais envie de me dépenser physiquement, de m'engager dans un sport. Et c’est mon collègue, Frédéric NOWAK, prof d’histoire-géo, qui m’a parlé de triathlon. Et donc, on a démarré au stade nautique car le club n’existait pas à l’époque. On s’est entraînés à pédaler, courir, nager, etc. J’ai fait mon premier triathlon en juin 2003. C’était en distance olympique à Dunkerque. J’en ai « chié », je peux le dire. Mais une fois que j’ai franchi la ligne, c’était bon ! Et quinze jours plus tard, j’étais dans les Ardennes sur le triathlon du lac des vieilles forges. Quinze jours après sur un autre. C’était parti !... En novembre 2003, le club a été créé. Par la suite, on m’a demandé d’en prendre la tête. Dans un premier temps, on a cherché à développer ce sport au niveau des jeunes, puis, de fil en aiguille, c’est passé aux adultes. Les résultats en championnat sont arrivés. On a travaillé dans tous les secteurs : formation, animation, sport santé, compétition, haut niveau. Il y a maintenant une section sportive au lycée et une autre au collège.

Mélanie : Le triathlon peut-il être pratiqué par tout le monde ?

Laurent : Oui bien sûr, mais il ne faut pas s’engager là-dedans en se mettant un challenge trop compliqué. Certains pensent tout de suite à de longues distances, mais il faut du temps et des sacrifices pour se préparer. Tu peux prendre ton pied sur des distances plus courtes, avec un temps moindre de préparation.

Dominique : Est-ce qu’il faut tout de même des prédispositions pour pratiquer ce sport ?

Laurent : On a déjà accueilli des personnes d’une cinquantaine d’années qui ne savaient pas nager. Et un an plus tard, elles font le triathlon d’Embrun en nageant quatre kilomètres. Certes, ils étaient sportifs à la base mais techniquement, dans l’eau, c’était compliqué… Souvent, c’est un sport de défi. Un certain nombre de personnes viennent pour une année ou deux, afin de se préparer pour des challenges. Et d’autres viennent et restent… Au niveau des prédispositions physiques, tout se travaille. On peut progresser sur différents niveaux. Il faut se fixer des objectifs, et avant tout prendre du plaisir. Les notions d’effort, de persévérance, d’abnégation, de régularité sont importantes mais il ne faut pas enlever la notion de plaisir, qui, elle, est primordiale. En fonction du niveau de pratique, ça peut devenir tellement chronophage que, si le plaisir manque, ça ne va plus, et on gâche tout.

Dominique : Combien de licenciés y a t-il dans ton club ?

Laurent : Environ 300 licenciés.

Dominique : Ce qui est pas mal, déjà !

Laurent : Oui, on a démarré à 9 en 2003. Maintenant 300 licenciés. On est le club qui possède le plus de licenciés au niveau de la région des Hauts-de-France, et le neuvième en France sur plus de mille clubs. On est aussi le club de haut niveau de la région avec deux équipes en première division, une masculine et une féminine. Les garçons ont fait trois années de suite vice-champions de France. Les filles sont depuis maintenant quatre ans dans le top 5 national. Donc oui, on a pas trop mal bossé de ce côté là.

Mélanie : Et, dans ton club, quelle est la répartition entre adultes et enfants, hommes et femmes ?

Laurent : On a environ 120 « moins de 18 ans ». Il y a plus d’hommes que de femmes chez les adultes. Par contre ça s’équilibre vraiment bien chez les jeunes avec, dans certaines catégories, plus de filles que de garçons.

Mélanie : Tu dis que vous êtes le neuvième club en termes de licenciés au niveau national. Penses-tu que le triathlon est assez démocratisé de manière générale ? Est-ce que des actions peuvent être mises en place pour le démocratiser davantage ?

Laurent : « Démocratiser » est un terme que j’aime bien. C’est toujours ma motivation. L’idée première a été de démocratiser l’accès à cette pratique, chez les jeunes dans un premier temps. Pour pratiquer le triathlon, il faut un vélo, des baskets et une combinaison pour les nages en eau libre, ce qui engendre certains frais aussi. J’ai préconisé un prix de licence bas pour attirer des futurs pratiquants. En plus des frais de licence, on ne prend que 35€ à l’année. À côté de cela, on crée des évènements de manière à faire entrer de l’argent dans les caisses du club afin de pouvoir payer des tenues, les déplacements aux championnats de France, aux sélections pour les jeunes, etc. Ce que je regrette actuellement, c’est le coût exorbitant de certaines manifestations. Il y a une sélection par l’argent qui est réalisée alors qu’on passe peut-être à côté de certains talents. Ce sont les organisateurs qui décident des tarifs. Il y a bien sûr des coûts importants pour ces événements avec la sécurité, les assurances et plein d’autres trucs à prendre en compte. Mais quand on arrive à des tarifs à 600€… On est rentré dans la spéculation sur certaines organisations, et ça me chagrine un peu car ce n’est pas trop l’esprit.

Dominique : Pour des personnes en situation de handicap, la pratique est-elle possible ?

Laurent : On a, au club, des triathlètes qui sont en situation de handicap. Je pense à Philippe CUVILLIER qu’on avait eu avec nous auparavant, et qui, à l’époque, avait fini troisième aux championnats du monde en tant que malvoyant, avec Hervé. Moi, j’ai eu la chance de pratiquer en duathlon avec Philippe : on avait été champions d’Europe à Nancy, et cinquièmes aux championnats du monde. Aujourd’hui, on a Antoine et Coline GRABINSKI qui vont tenter leur chance pour Paris 2024. L’idée n’a jamais été de cloisonner les choses. Il n’y a pas de créneau spécifique pour les « handi ». Ils viennent avec tout le monde, et on s’organise.

Mélanie : Concernant les jeunes, est-ce qu’il y a des temps forts dans l'année, des rassemblements, des manifestations organisés pour faire découvrir le triathlon ?

Laurent : Il y a Fabien, notre entraîneur, qui bosse avec la ville de Liévin et qui fait des animations sur les quartiers d’été, et aussi, toute l’année, avec les centres sociaux. Au travers de nos manifestations, on a toujours proposé des courses destinées aux jeunes, licenciés ou non. Après, le temps fort pour la découverte de notre sport, c’est le Liévin Triathlon Indoor Festival. Il y a eu aussi les deux Coupes d’Europe qu’on a organisées car on avait à cœur d’accueillir un maximum d’enfants pour leur faire découvrir l’aquathlon [natation puis course à pied]. On avait fait ça sous forme de challenge entre les écoles de l’agglomération. Cela a concerné plus de 2000 enfants.

Dominique : Cela nous amène à notre Journée Olympique du 10 juin. Vous avez su vous adapter à notre organisation pour faire découvrir vos disciplines. Là, il s’agissait de « Bike and Run », c’est ça ?

Laurent : Oui, au sein de la fédération Française de triathlon, il y a différentes disciplines « enchainées » :
Triathlon en n°1 : nage, course et vélo,
Duathlon : course, vélo, course : destiné aux personnes qui ont une appréhension par rapport à la natation,
Bike and Run : vélo et course par équipe de deux,
Aquathlon : nage et course,
Swim Bike : nage et vélo, destiné aux personnes qui ont des soucis articulaires et ne peuvent pas courir, par exemple,
Raid : dans la nature, on mélange le canoë, l’escalade, la course d’orientation etc.

Il y a une multitude de possibilités, et donc une facilité à s’adapter. Sur cette Journée Olympique, on a mis en place le Bike and Run en relais, ce qui a très plu selon les retours qu’on a eus, et à la vue des visages des enfants. C’est cool car certains ne savaient pas ce que c’était. Ils l’ont découvert, et en redemandaient à la fin malgré les températures assez chaudes.

Dominique : On a aussi eu de très bons retours. Tout le monde a apprécié. Est-ce que tu as une anecdote par rapport à cette journée ?

Laurent : Ce qui m’a fait rire, c’était les jeunes qui demandaient si c’était possible de refaire un tour. Tu te dis que quand ils en redemandent, tu as gagné.

Dominique : L’un des objectifs de cette journée, pour nous, est la pratique du sport dans la durée. On souhaite que ces enfants découvrant un sport qu’ils n’avaient jamais pratiqué, puissent poursuivre par la suite. As-tu eu des questions à ce sujet ?

Laurent : Que ce soit aux enfants ou à leurs accompagnateurs, je présentais à chaque fois le club et la manière de nous contacter [voir en fin d'article].

Mélanie : On a parlé des JO tout à l’heure. En dehors des personnes que tu as déjà citées, est-ce que tu as d’autres exemples de licenciés de ton club ayant évolué à haut niveau ?

Laurent : Oui, ils n’étaient pas au club à l’époque mais ils sont arrivés après les JO de Londres en 2012. Cette même année, j’étais à la fin d’un mandat, et je ne voulais pas refaire la même chose. On sortait d’une saison compliquée où l’on s’était maintenu pour un point. Et je vois que le club de Beauvais arrête. Ils étaient champions de France à l’époque. Et là, il y a deux noms : Aurélien RAPHAËL et Laurent VIDAL qui n’avaient plus de club. Ce dernier venait de faire une cinquième place aux JO. Je le contacte par email, et il me répond depuis la Nouvelle-Zélande qu’il est intéressé par notre projet. Il renonce à beaucoup d’argent de la part de certains clubs de première division pour venir signer chez nous, en deuxième division. Et lui, c’était vraiment le top mondial. J’avais un peu d’appréhension mais j’ai vite été rassuré. Il était d’une gentillesse et d’une simplicité extrême. C’était un mec en or qui malheureusement est décédé en 2015 suite à un problème cardiaque. Et ça nous a tous mis une grosse claque… On redescend en deuxième division avant de remonter en première, notamment avec l’arrivée chez nous de David HAUSS. Et depuis, 5e, 5e, 3e, etc. Voilà où on en est, avec une quinzaine d’athlètes qui sont potentiellement qualifiables pour les JO de Paris. Je pense qu’on a le potentiel d’avoir une médaille olympique !

Mélanie : Et si tu pouvais adresser un message aux enfants que tu as rencontrés à la Journée Olympique du 10 juin, lequel serait-il ?

Laurent : Ce serait : faites du sport ! N’ayez pas peur d’en faire. Trouvez ce qui vous plaît, ce qui vous donne envie de le faire. Pour votre bien-être physique et psychique car je constate qu’il y a de plus en plus d’enfants en surpoids. Le niveau de VMA au niveau de l’établissement ne cesse de décroître. Le pourcentage d’enfants qui savent courir naturellement et correctement diminue également. La notion d’effort est de moins en moins présente. Donc faites du sport, n’ayez pas peur d’en faire, trouvez ce qui vous va. Il y a forcément une discipline qui va vous convenir. Ça va vous permettre de rencontrer d’autres jeunes de votre âge, des adultes, entraîneurs ou autres, qui vont aussi vous faire passer des messages, vous transmettre des valeurs qui ne vous seront peut-être pas transmises chez vous. Et ça c’est hyper important et formateur dans la construction d’un individu.

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