La Chance aux Enfants
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En tête-à-tête avec… Amina AMROUCI (sports urbains)

Durant cet été, Dominique et Mélanie vont à la rencontre de personnalités et de structures partenaires contribuant à la réussite de nos projets en faveur des enfants.
Par son « village urbain », l’association Blacklist fut très présente dans l’animation de la Journée Olympique organisée par La Chance aux Enfants. Amina AMROUCI, sa présidente, a accepté de répondre aux questions de Dominique et Mélanie…

Dominique REGIA CORTE : Amina, peux-tu te présenter ?

Amina AMROUCI : Je suis présidente de l’association Blacklist qui est une association spécialisée dans le développement des cultures et des sports urbains. Je l’ai fondée avec trois amis : Abdel, Foued et Marine. L’objectif de l’association est de faire connaître et promouvoir les cultures et sports urbains mais aussi de faciliter leur accès pour la pratique de tous.

Mélanie BEAUCOURT : Et comment as-tu découvert les sports urbains ?

Amina : Je suis originaire d’une ville qui s’appelle Lormont, près de Bordeaux, qui a un service « jeunesse » très dynamique. Lorsque j’étais jeune, à 12 ou 13 ans, ils ont commencé à proposer des cours de hip-hop auxquels je me suis inscrite. Et de fil en aiguille, on s’est retrouvés à monter des petits projets avec mes amis sur le territoire, jusqu’à ce qu’on finisse par créer un battle [compétition de breakdance]. C’est comme ça que je suis tombée dans le chaudron des cultures urbaines, au travers du hip-hop, en créant un événement qui s’appelait le « Money time » à Lormont. Oui, c’est comme ça que j’ai plongé dans cet univers et que j’y ai pris goût.

Dominique : Je vais un peu anticiper, mais comment ressens-tu le fait que le breakdance soit désormais une discipline des Jeux Olympiques ?

Amina : Je trouve ça énorme. C’est une belle consécration pour une discipline qui n’a pas demandé à être olympique. C’était une proposition du Comité d’organisation des Jeux Olympiques. Je trouve ça encore plus fort, sachant qu’il y a des sports qui se battent pour entrer aux JO. C’est tout à fait à l’image du hip hop et du breakdance de ne rien demander et de finalement y être. Il faut voir ce que cela représente, l’impact que cela a, notamment en termes de notoriété, de mise en lumière sur cette discipline qui est déjà, en soi, très attrayante. C’est un sport « tendance » et « jeune ». On le voit dans tous les pans de la société : à la télévision, dans les publicités, dans les clips où l’on assiste à des battles de breakdance. Je trouve que cette promotion est tout à la fois géniale et bien pensée : cela apporte un vent de nouveautés, un second souffle aux Jeux Olympiques.

Mélanie : Tu parlais tout à l’heure de breakdance et de hip hop, quelles sont les autres disciplines que l’on retrouve dans ces sports urbains ?

Amina : On a le parkour qui est le fait de se déplacer de manière agile sur le mobilier urbain. Il y a le freestyle football qui est un dérivé du football classique avec des jonglages, des figures artistiques, en lien avec de la musique, ce qui rapproche cette discipline du breakdance. On a le workout qui est de la gymnastique urbaine : l’objectif est de faire des prouesses artistiques sur des barres, avec toujours cet aspect musical. Il y a également le freestyle basket qui est aussi un dérivé du basket qui a pour objectif de réaliser des prouesses artistiques avec un ballon. Il y a vraiment beaucoup de disciplines. Il y a le graffiti, le double dutch, il y en a vraiment beaucoup. Certaines disciplines sont plus connues que d’autres. Notre objectif est de toutes les promouvoir.

Dominique : Est-ce que tout le monde peut pratiquer le breakdance ?

Amina : Tout à fait ! Je vais prendre l’exemple d’une B girl, une danseuse de breakdance, qui fait partie de l’équipe de France et qui a commencé à 27 ans, si je ne dis pas de bêtises. Elle a donc commencé un peu tardivement, ce qui ne l’empêche pas aujourd’hui d’être en équipe de France. Je pense que c’est une discipline qui est accessible à tous et à toutes car elle n’est pas que technique. Tout le monde n’est pas obligé de faire des power bombs [figures aériennes], on peut aussi faire des top rocks qui sont des pas de préparation debout, et ça, c’est accessible à tout le monde. C’est ce qui est bien avec cette discipline : elle peut prendre différentes formes, et s’adapter à chaque public. Nous, par exemple, avec l’association, on donne des cours tous les lundis dans des IME [instituts médico-éducatifs]. C’est à destination d’enfants qui ont un handicap psychologique. Et ils y arrivent très bien. On les voit s’épanouir, être un peu plus dans le rythme, prendre confiance en eux et vis-à-vis des autres aussi. On le fait également dans des hôpitaux pour enfants, et là on parle de jeunes avec une mobilité très réduite, voire même en fauteuil roulant. Et ça ne les empêche pas de prendre un grand plaisir en pratiquant le breakdance et les autres disciplines urbaines.

Mélanie : Même si cela dépend de la discipline proposée, quel matériel peut être nécessaire pour débuter ?

Amina : C’était la grande question quand on a créé Blacklist : il y a des disciplines urbaines, et comme l’indique leur nom, elles sont urbaines. Par exemple, pour le Parkour, les traceurs [personnes qui font du Parkour] utilisent le mobilier urbain. Dès lors, comment faire en sorte qu’une personne puisse s’essayer au Parkour de manière sécurisée avec du matériel adapté ? Toute la réflexion de Blacklist s’est centrée sur le développement du matériel permettant de pratiquer telle ou telle discipline. Certaines demandent plus de matériel que d'autres. Pour le breaking, à part une sono et à la rigueur un lino, ça ne demande pas grand-chose. En revanche, pour le Parkour, il faut des modules particuliers, qui nécessitent d’être homologués par les fédérations de gym et de Parkour. Si on pense au graffiti, ça va demander des stylos, des crayons, des bombes, différentes choses. Cela  dépend vraiment des disciplines mais globalement, elles restent à la portée de toutes et de tous.

Mélanie : Et avec simplement une bonne paire de chaussures, plusieurs sports sont déjà accessibles ?

Amina : C’est ça, exactement.

Dominique : Et quelles sont les valeurs que porte le breakdance ?

Amina : Le breakdance fait partie de la culture hip hop. Il porte des valeurs fondamentales. Il y a une expression qui dit « Peace, love and having fun », et ce sont vraiment des valeurs hyper importantes dans le milieu et dans la pratique des sports et des cultures urbaines. L’humain est au centre de la pratique. C’est comment s’entraider, comment apprendre à prendre soin des autres en prenant soin de soi, comment vivre ensemble, comment s’accepter malgré les différences, comment s’encourager.

Mélanie : Peux-tu nous présenter Blacklist ?

Amina : Blacklist est une structure spécialisée dans le développement des cultures et des sports urbains. Elle a été créée en 2014 par une bande d’amis, pratiquants et experts dans ce domaine. Au niveau des adhérents, c’est souvent à partir de 5 ans, et ensuite il n’y a pas de limite d’âge. On s'adresse à des publics très différents. On met en place des projets visant à faire découvrir et faciliter l’accès aux cultures et sports urbains.

Dominique : Dans l’optique des Jeux Olympiques, y a t-il des sportifs, au sein de Blacklist, qui peuvent prétendre à une médaille ? Je pense notamment à Martin LEJEUNE qui n’a pas caché sa volonté de décrocher l’or…

Amina : Au sein de l’association, on a la chance d’avoir 4 B Boy et B girl. Ce sont des athlètes de haut niveau qui font partie de l’équipe de France de breakdance. Ils sont potentiellement en course pour les JO. C’est bien sûr une fierté de les avoir au sein de l’association, et de voir leur évolution et leur carrière se développer, année après année. Notre volonté est de pouvoir les accompagner et leur permettre d’atteindre leurs objectifs, que ce soit une médaille d’or, ou simplement vivre de leur passion. L’une des missions de l’association est de pouvoir accompagner dans la professionnalisation ces jeunes talents qui n’ont ni les contacts, ni les méthodes pour réussir et faire de leur passion un véritable métier. On met à leur disposition notre savoir faire et nos expériences personnelles.

Mélanie : À ce propos, pour les jeunes qui souhaiteraient pratiquer avec Blacklist et participer à vos évènements, est-ce qu’ils doivent avoir une licence, une inscription annuelle ou quelque chose de ce genre ?

Amina : Cela dépend des actions. On a une « école des cultures urbaines » qui est située à Grande-Synthe. Dans le cadre de cette école, il y a en effet une licence annuelle à prendre, permettant d’accéder aux différents cours. Mais pour toutes les actions de proximité, ce qui correspond au village urbain, avec de l’initiation dans les différentes disciplines, là, il n’y a pas besoin de licence. Tout le monde est accepté et est le bienvenu. Il est important pour nous que ce soit facile d’accès, à la portée de tous.

Dominique : Concernant votre participation à notre Journée Olympique, nous n’avons eu que d’excellents retours. Et de votre côté, quel a été votre ressenti, votre expérience lors de cette journée ?

Amina : Il y a une chose qui facilite vraiment les choses pour nous, c’est la présence du DJ. Dès qu’il met la musique, ça a tendance à fortement attirer les jeunes. Ensuite ce qui est sympa, c’est de les voir s’émerveiller devant les différents modules, et se dire qu'eux aussi peuvent participer. Après, on a eu droit à tout : certains jeunes viennent, foncent directement et participent avec grand plaisir à chacune des disciplines, les découvrent avec envie et avec passion. Et il y a des jeunes qui restent un peu plus en retrait, qui sont plus timides. Dans ce cas là, il nous faut un peu plus aller les chercher. Et c’est très satisfaisant de les voir au début, très timides, un peu réservés dans leur coin, puis, au fil de l’animation, les voir finalement s’épanouir et se donner à fond. Quant à l’aspect découverte, certains jeunes disaient connaître toutes les disciplines présentes, et d’autres non… Et c’est rigolo de voir les différentes réactions des jeunes en fonction de leur personnalité, leurs connaissances ou non des disciplines. J’ai discuté, par exemple, avec une jeune fille qui était un peu en surpoids. Et de ce fait, elle s’était mise des barrières et se disait que le parkour n’était pas pour elle. Il fallait passer des obstacles, et elle pensait ne pas pouvoir le faire. Elle expliquait également que la danse n’était pas faite pour elle du fait de ses rondeurs, et qu’elle n’allait pas être belle en dansant. Et à force de discussions, en essayant de la rassurer, je l’ai finalement vu participer. Je trouve ça formidable, et je me dis qu’on a bien fait notre travail. C’est dans le bonheur des personnes qui participent, que l’on trouve notre propre bonheur.

Mélanie : Pour tous ces jeunes qui ont participé à la Journée Olympique, et qui souhaiteraient poursuivre ces activités, où peuvent-ils vous retrouver ?

Amina : On a bien sûr les réseaux sociaux de Blacklist Production : Facebook, Instagram et Youtube, qui permettent aux jeunes de suivre l’actualité, et on a un site web qui est encore en cours de création, et qui devrait apparaître prochainement… Ce qui est intéressant, c’est de voir les accompagnateurs, eux-mêmes, venir nous demander où les jeunes peuvent pratiquer près de chez eux. C’est ce qui est bien avec ce concept de village urbain : pouvoir faire découvrir ou redécouvrir des disciplines, et créer des vocations, donner envie aux jeunes d’avoir une pratique sportive, de bouger, de s’investir dans la vie associative, dans un club… Si on prend l’exemple de Rachid, notre intervenant en freestyle football, à la base, c’est quelqu’un qui prenait des cours chez nous. On l’a ensuite orienté vers des études qui lui ont permis d’avoir un BAFA [Brevet d'Aptitude aux Fonctions d'Animateur] puis un BPJEPS [Brevet Professionnel de la Jeunesse, de l'Éducation Populaire et du Sport]. Aujourd’hui, c’est lui qui mène des interventions auprès des jeunes.

Mélanie : Tous ces aspects de découverte, d’accompagnement et de vocations correspondent parfaitement à l'ambition que porte La Chance aux Enfants. Si tu avais un message à faire passer aux enfants qui ont participé à la Journée Olympique, lequel serait-il ?

Amina : Je leur dirais de foncer dans la vie, de ne pas avoir peur d’essayer, de se donner à fond dans chaque chose qu’ils entreprennent, de se jeter à l’eau, de prendre des risques et d’aller au bout de ses rêves !

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