La Chance aux Enfants
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En tête-à-tête avec… Jérémy HOUBEAUT (parasports)

Durant cet été, Dominique et Mélanie vont à la rencontre de personnalités et de structures partenaires contribuant à la réussite de nos projets en faveur des enfants. Référent du Comité Paralympique et Sportif Français (CPSF) pour les Hauts-de-France, et acteur de son partenariat avec La Chance aux Enfants, Jérémy HOUBEAUT a accepté de répondre aux questions de Dominique et Mélanie…

Dominique REGIA CORTE : Jérémy, pour le public qui ne te connaît pas, peux-tu te présenter ?

Jérémy HOUBEAUT : Je suis référent paralympique. J’ai en charge le développement, sur le territoire des Hauts-de-France, de toute l’animation territoriale sur le sport handicap, de manière large. On traite et collabore évidemment avec les 43 fédérations membres du CPSF mais pas que. On a un volet d’animation institutionnelle mais aussi un volet où l’on est proche du terrain et des organes déconcentrés des fédérations ainsi que les associations gestionnaires et collectivités territoriales afin de pouvoir développer des projets qui découlent du national. Et on a aussi la possibilité d’en créer selon ce qu’on perçoit sur le terrain et ce qui nous semble pertinent.

Mélanie BEAUCOURT : Avant de parvenir à ces responsabilités, est-ce que tu as pratiqué le sport à haut niveau ?

Jérémy : Oui, j’ai eu une petite carrière de footballeur qui s’est arrêtée assez rapidement à l’âge de 24 ans. Il a fallu se réorienter, et je suis resté dans le même domaine pendant plusieurs années, avec un poste de directeur sportif dans un club du Grand Est. On avait 800 licenciés, je coordonnais une équipe technique de 60 éducateurs, et j’étais en même temps formateur et jury à la Fédération Française de Football. Après avoir fait un peu le tour de tout ça, j’ai souhaité m’engager dans des projets ayant un peu plus de sens. Je me suis naturellement orienté vers le Comité Paralympique et Sportif Français, en travaillant, de manière transversale, avec tous les sports. 

Dominique : Qu’est-ce qui t’a donné l’envie de t’investir ainsi dans le domaine du parasport ?

Jérémy : On est tous plus ou moins touchés par le handicap, que ce soit de la famille proche ou éloignée. Et c’est vrai qu’on regarde tout cela avec un œil différent, une fois que ça nous tombe dessus, que l’on côtoie des personnes qui nous sont proches. Quand on peut allier bienfaits et projets avec du sens, dans le domaine du sport, on s’engage naturellement dans cette voie. 

Mélanie : Tu nous as parlé du Comité Paralympique et Sportif Français. Peux-tu nous expliquer son rôle ?

Jérémy : Sa première mission est d’accompagner l’équipe de France sur les Jeux Paralympiques d’hiver et d’été. C'est l’une des grandes missions du CPSF. Et la deuxième, depuis un peu plus de quatre ans, c’est de développer et d’accompagner sur l’ensemble du territoire les pratiques parasportives. Cela signifie qu’on va accompagner les ligues sportives, les comités départementaux dans leurs projets concernant le sport handicap. Il y a bien sûr des aides financières, mais pas que. Nous apportons également une expertise, une mise en relation avec les acteurs du territoire afin de pouvoir développer ces actions, et travailler en synergie.

Dominique : D’ailleurs, l’autre jour, nous nous étions croisés à l’Arena [Stade couvert de Liévin] à l’occasion de l’une de ces actions. Est-ce que tu organises régulièrement avec le CPSF des rassemblements, des manifestations, des participations à de gros évènements, des portes ouvertes ? Et je suppose que cela ne concerne que les Hauts-de-France ?

Jérémy : Oui cela reste bien dans les Hauts-de-France mais j’ai bien sûr des collègues, dans chaque région. Je prends un petit exemple : on a effectué un état des lieux de la pratique parasportive et sportive sur le territoire afin de cibler les carences, et aussi mettre en lumière ce qui est bien fait dans notre région. Et de là, on a enclenché une Journée des parasports, journée au cours de laquelle on invite tout l’écosystème du sport handicap : les partenaires institutionnels, le milieu du médical, et le mouvement sportif de manière large. On met en place des ateliers de réflexion qui ont permis de faire émerger des champs d’actions, des pistes de travail, des préconisations permettant aux acteurs de s’accaparer les projets et de les développer. Donc on est vraiment là sur un rôle de facilitateur, de mise en relation et d’appui sur une expertise.

Mélanie : Donc, si je comprends bien, c’est un travail auprès des publics concernés. Mais dans l’objectif de mieux faire connaître les parasports, est-ce qu’il y a des actions spécifiques mises en place ?

Jérémy : Pour cela, on accompagne les ligues car c’est à elles, à un moment donné, de prendre en charge les projets. On ne leur impose pas les choses. Il faut aussi que ce soit calé par rapport à leur plan de développement au sein de leur propre fédération. Certaines sont plus en avance que d’autres sur cette thématique. Pour rappel, on a deux fédérations historiques : Handisport et Sport adapté qui ont chacune à charge un type de public spécifique. Handisport pour le moteur et le sensoriel, et le Sport adapté pour le psychique et le mental. Et à partir de là, on a les autres fédérations qui peuvent prendre la délégation afin d’organiser des compétitions et d’alimenter les équipes de France correspondant à leurs sports. Certaines ligues ont, par exemple, des chargés de missions parasports : les ligues de tennis, canoë kayak, équitation et voile qui ont leur propre plan fédéral de développement sur le sujet.

Dominique : Je reviens un peu sur les actions que tu mets en place avec toute ton équipe. Est-ce que certaines de ces actions sont spécifiquement dédiées aux enfants ?

Jérémy : Alors non. Et pour moi, c’est un cheval de bataille. Je pense qu’il faut prendre les choses dans le bon sens, et cultiver chez les jeunes cette thématique pour dédramatiser et montrer qu’il est possible de pratiquer un sport, même en situation de handicap. Il y a tout un travail que l’on met en place au niveau des scolaires, des universités pour pouvoir avancer sur le sujet. On est en relation avec les académies de Lille et d’Amiens pour pouvoir développer cela, et aussi acculturer les professeurs. On se rend compte que même les profs d’EPS ne sont parfois pas très à l’aise avec le fait d’inclure des enfants handicapés dans leur pratique sportive. On est vraiment là pour aider l’ensemble de l’écosystème. 

Dominique : Pour rebondir sur ce que tu viens de dire, on peut être un peu surpris que ces profs d’EPS n’aient pas une formation spécifique concernant ces enfants…

Jérémy : Ces formations existent dans le cursus universitaire. Mais on se rend compte que si, demain, on demande à un professeur d’EPS de mettre en place un cycle parasportif sur une discipline, ça va être compliqué. Et je pense qu’il y a aussi un enjeu à pouvoir leur proposer des outils “clés en main” pour qu’ils puissent s’approprier et mettre en place ces activités au niveau de l’EPS. On le voit sur la semaine Olympique et Paralympique qui a eu lieu. On a été sollicités de manière exponentielle concernant des situations de ce type à mettre en place. On a organisé des cycles de cécifoot, de para-athlétisme, de boccia. L’idée est de leur proposer des choses “clés en main” qu’ils peuvent s’approprier.

Mélanie : Et est-ce qu’à chaque handicap, correspond au moins un parasport ?

Jérémy : Alors, j’ai envie de dire oui. Nous, on a pu mettre en place un logiciel qui s’appelle “Trouve ton parasport”. C’est une application numérique où la personne en situation de handicap va rentrer un panel de caractéristiques : pathologie, appétence pour un sport individuel ou collectif, pratique debout ou assis, appréhension ou non envers les sports aquatiques… Et cela va permettre de cartographier les types de sports qu’il est en capacité d’effectuer, puis de faire le lien avec un club à proximité du lieu de vie pour qu’il puisse pratiquer.

Dominique : Très intéressant. À l’inverse, y a t-il des sports olympiques qui ne peuvent être pratiqués avec un handicap ?

Jérémy : Alors oui, mais tous les sports sont adaptés. On le voit avec le Tennis qui devient le Tennis fauteuil. Il y a des adaptations matérielles qui sont beaucoup plus importantes sur certaines pratiques sportives. Je pense au canoë kayak, par exemple. Mais voilà, on essaie de trouver à chaque fois des adaptations, qu’elles soient matérielles ou pas.

Mélanie : Les personnes valides peuvent-elles également pratiquer un parasport ? On voit certes des initiations telles que celles organisées lors de notre Journée Olympique, mais est-ce que la pratique régulière est possible ?

Jérémy : Oui, du moment que ça reste dans le cadre d’un loisir, il n’y aura pas de compétition individiuelle pour des personnes valides sur des sports paralympiques. L’enjeu – et je pense notamment à ce que vous avez pu organiser à l’Arena –, c’est de pouvoir acculturer les jeunes, les mettre en situation de handicap pour qu’ils puissent se rendre compte de la difficulté ou non de pratiquer un parasport. Cette notion d’inclusion qui a pu être mise en œuvre lors de cette journée, est franchement super intéressante et valorisante pour tout le monde !

Dominique : Je suis certain qu’il y a des valeurs importantes véhiculées par le parasport. Quelles sont-elles ?

On retrouve des valeurs d’implication, de dépassement de soi, de courage, de cohésion et d’humilité. Et bien évidemment aussi de communication. On a pu le voir à travers les petits temps d’échange entre jeunes lors de cette journée.

Mélanie : Est-ce que tu penses que la couverture médiatique des parasports est suffisante ?

Jérémy : J’aurais envie de dire non, forcément. Mais on a pu voir, sur les jeux de Tokyo, sur les temps de pause, de publicité, des extraits vidéos qui présentaient un petit peu les parasports. C’était aussi un enjeu considérable de notre côté de pouvoir acculturer le maximum de personnes. On espère qu’à l’approche des Jeux de Paris 2024, on pourra voir ces sports de manière plus importante, et surtout que cela perdure après ces Jeux.

Dominique : Un jeune handicapé a-t-il plus d’opportunités, aujourd’hui, de pratiquer un parasport que par le passé ? J’espère bien que oui, quand même ?

Jérémy : Oui, oui forcément. On peut voir qu’il y a un nombre de licences de plus en plus important même si, dans cette période post covid, des clubs ont eu un peu de mal à relancer cette dynamique de licenciés.

Mélanie : Et, par rapport aux parasports adultes, est-ce qu’il existe des difficultés particulières pour un enfant à pratiquer un tel sport ? Au niveau du matériel par exemple ?

Jérémy : Pas forcément, comme on l’a dit, tout est adaptable tant au niveau matériel qu’aux moyens autres. On pense aux déficiences psychiques et mentales, peut-être qu’il y a là un accompagnement humain plus important qui sera effectué, des temps d’explications un peu plus importants. Donc un temps un peu plus grand à octroyer à la personne. Mais globalement on est sur le même type d’accompagnement, que ce soit pour un adulte ou un jeune.

Dominique : On va revenir sur l’organisation de la Journée Olympique du 10 juin. Est-ce tu as eu des retours des encadrants qui avaient en charge l’initiation de parasports auprès des enfants ? Et est-ce que ces personnes ont eu des retours de la part des enfants ?

Jérémy : Oui, bien sûr. La journée étant découpée en deux parties, on a pu accueillir, le matin, les établissements médico-sociaux. L’idée de les initier en autonomie sur les villages paralympiques était intéressante car on se rend compte que pratiquer en inclusion, ça peut parfois avoir ses limites. Et du coup, l’après-midi, c’était ouvert aux jeunes de manière classique. Certains établissements ont pu rester, ce qui a permis une inclusion, une mixité, et justement, des temps d’échanges. Au-delà de l’activité elle-même, il y a eu des échanges entre personnes en situation de handicap et personnes valides. Et ça, je pense que c’est le plus intéressant. Et au-delà de tout ça, chacun a pu repartir avec le sourire.

Mélanie : Et par rapport à ton ressenti, est-ce que tu souhaiterais voir les actions initiées lors de cette Journée Olympique se pérenniser dans le temps ?

Jérémy : Alors oui, on est forcément intéressés. Et on regarde cela avec attention au niveau du CPSF. Il y a vraiment là, ces notions d'orientation et d’accompagnement qui doivent être réalisées ensuite par les ligues sportives. On est pas sur du one shot. Les ligues sont venues, ont mis en place leurs activités, et nous, ce que l’on cherche derrière, c’est qu’il y ait une continuité sur les contacts, et que les jeunes puissent pratiquer de manière pérenne les activités sportives.

Dominique : Justement, à cette occasion, avez-vous pu informer les enfants sur les possibilités qui s’offraient à eux pour poursuivre la pratique d’un sport ?

Jérémy : Oui, bien sûr, on en a parlé. Les ligues sportives qui étaient présentes, ont pu orienter les jeunes vers des clubs. Aujourd'hui, il faut qu’on soit sûr qu’un club puisse accueillir un pratiquant en toute sécurité et de manière qualitative. Et là-dessus, on est vigilants. On travaille beaucoup avec le département du Pas-de-Calais qui a une politique et une dynamique intéressante en matière de sport handicap. Je pense notamment au lancement de notre programme Club Inclusif où le département a été pionnier sur le lancement sur les Hauts-de-France. On peut voir qu’il y a un maillage territorial effectué par le mouvement sportif et le milieu médical. On peut les orienter vers les clubs para-accueillants en toute confiance, oui.

Dominique : Et pour des familles qui n’habiteraient pas à proximité de grandes villes, seraient un peu isolées, n’est-ce pas un peu plus compliqué ?

Jérémy : Oui, on ne va pas se le cacher : on a encore un peu de retard sur les questions de transport et d’accessibilité, par rapport au développement de la pratique. C’est l’un des enjeux sur lesquels on essaie de travailler et de sensibiliser les collectivités publiques qui sont les acteurs majeurs sur le champ du sport handicap. On arrive à trouver des solutions, que ce soit par des aides financières, matérielles ou de transport. Mais c’est vrai que c’est encore trop peu par rapport à ce qu’on pourrait faire, et au regard de ce qui existe dans certains pays, plus en avance que nous.

Mélanie : Et pour les familles disposant de peu de moyens financiers, est-ce qu’il existe des aides permettant à leur enfant de pratiquer le parasport ?

Jérémy : Il y a déjà tout ce qui correspond aux aides ministérielles et aux aides individuelles liées à la MDPH [Maison Départementale pour les Personnes Handicapées] où les enfants sont recensés. Maintenant, nous disposons aussi de dispositifs pour faciliter l’accueil des publics au sein des clubs. Je pense notamment au programme ESMSxCLUBS qui consiste à faire venir un public dans un club sportif pour qu’il puisse essayer cette pratique pendant 15 séances. On va accompagner financièrement le club. Cela permet vraiment de créer des liens, des passerelles. Parfois, cela peut aider un petit peu à participer au salaire de l’éducateur ou à financer le matériel qui manque pour pouvoir se lancer.

Dominique : Merci Jérémy. Pour terminer cet échange, as-tu un message à faire passer à tous ces enfants ?

Jérémy : Comme l’a dit Gervais MARTEL, l’idée c’est de pouvoir aussi emmener ces enfants aux Jeux Paralympiques de 2024. Et là encore, nous saurons faire le nécessaire pour pouvoir les accompagner, et que tout le monde puisse vivre une fête mémorable !

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