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En tête à tête avec… Jean-Pierre FINET (rugby)

Durant cet été, Dominique et Mélanie vont à la rencontre de personnalités et de structures partenaires contribuant à la réussite de nos projets en faveur des enfants.
Peu implanté dans notre région, le rugby constituait une grande découverte pour nombre de jeunes venus s’initier aux sports lors de notre Journée Olympique. La ligue de rugby des Hauts-de-France et tout particulièrement son vice-président, Jean-Pierre FINET, se sont fortement impliqués dans cette aventure. Ce dernier a accepté de répondre aux questions de Dominique et Mélanie

Dominique REGIA CORTE : Bonjour Jean-Pierre. Peux-tu te présenter ? 

Jean-Pierre FINET : Je suis d’origine belge, ça s’entend à mon accent. Je suis arrivé en France en 2008, après une longue carrière rugbystique en Belgique où j’ai créé un club en 1969. Et puis après la retraite, j’ai migré en France. A cette époque, après plus de 50 ans de rugby, j’avais décidé de raccrocher. Mais, un dimanche, je suis parti à Maubeuge voir des amis jouer, et ils m’ont proposé de venir les aider car leur club n’allait pas bien. Après avoir refusé dans un premier temps, j’ai fini par accepter lors d’une « troisième mi-temps ».
En 2019/2020, avaient lieu les élections au sein de la Ligue de rugby des Hauts-de-France. Sébastien CARREZ que je connaissais depuis plus de trente ans m’a demandé si je voulais rejoindre son équipe. J’ai hésité puis accepté. Sa liste est passée, et il m’a demandé si je voulais reprendre la vice-présidence en charge des compétitions territoriales. Et c’est donc ce que j’ai fait.

Mélanie BEAUCOURT : Tu as parlé d’une carrière sportive. Dans quel cadre ?

Jean-Pierre : Après avoir découvert le rugby, on a décidé avec des amis de créer notre propre club à une vingtaine de kilomètres de Maubeuge. On a galéré pendant quelques années puis le club s’est structuré. Par la suite, je suis devenu dirigeant, en tant que secrétaire du club. Puis j’ai été trésorier de la fédération Belge avant d’en devenir administrateur. J’ai enfin été manager de l’équipe nationale belge de rugby.

Dominique : Par rapport à ton expérience, penses-tu que tout le monde peut pratiquer ce sport ?

Jean-Pierre : Tout le monde peut pratiquer le rugby. Quelle que soit la taille, la corpulence. Dans le rugby, il y a une place pour tout le monde.

Mélanie : Et quelles sont alors les qualités requises pour être un bon joueur, une bonne joueuse ?

Jean-Pierre : C’est un petit peu comme dans tous les sports, il y n’y a qu’un seul mot : le travail. Ce n’est pas plus difficile que ça. Si tu veux devenir un bon joueur de football tu dois travailler, un bon perchiste, tu dois travailler… Il n’y a que ça qui compte : le travail et forcément, la volonté. Sans volonté, tu ne sais pas accomplir une charge d'entraînement qui est dure. Maintenant, il y a aussi les qualités innées. Quand tu nais, c’est avec des qualités physiques, plus ou moins bonnes. Évidemment, si tu n’as pas de qualités physiques, c’est difficile.

Mélanie : Et quelles sont les différentes formes de rugby ?

Jean-Pierre : Jusqu’à il y a une bonne vingtaine d’années, il n'y avait que le rugby à quinze. Et puis se sont développées d’autres formes de rugby qui ont pris de l'essor. En commençant par le rugby à sept. Les règles sont quasi identiques, mais les facultés physiques sont différentes. Parce qu’à sept, sur le même terrain, il faut des qualités athlétiques beaucoup plus évoluées… Depuis plusieurs années, une forme de « rugby loisir » s’est développé : le rugby à cinq. Il n’y a pas de plaquage, et on s’amuse sur le terrain. Il y a aussi le « beach rugby » qui se joue également à cinq mais sur la plage, sur un terrain beaucoup plus petit. C’est plus festif.
Il y a aussi du handisport avec le « rugby fauteuil » qui fait partie des jeux paralympiques. De plus en plus de clubs sont intéressés par cette forme de rugby. Puis il y a le « rugby santé ». À Compiègne, par exemple, il y a un cadre technique qui a développé une équipe de « rugby santé » avec des dames qui souffraient de cancer. Et ça les aide à vaincre leur maladie.
Enfin, il y a le rugby féminin que je gardais pour la fin. Il est en plein essor. J’ai l’habitude de dire aux clubs, quand je les rencontre, qu’ils doivent développer un pôle féminin dans leur club. C’est un outil de développement des nouveaux clubs. Et le rugby féminin est vraiment agréable à regarder car il y a une grosse différence avec son pendant masculin. Il y a moins de densité physique. Le rugby féminin est un rugby beaucoup plus aéré. On fait voyager le ballon.

Dominique : Contrairement à la réputation du foot, peut-être par l’importance prise par l’argent, le rugby semble associé à de plus belles valeurs. Quelle est ton opinion à ce sujet ?

Jean-Pierre : Dans le public du rugby, notamment quand on va au Stade de France, je suis persuadé que parmi les 80 000 personnes présentes, il y en a 79 900 qui ont joué au rugby. Ils savent que, sur le terrain, c’est la guerre mais, une fois que l’arbitre a sifflé la fin du match, la paix revient. Ils se tapent sur la gueule pendant 80 minutes, et ensuite ils boivent une bonne bière ensemble. Je pense qu’au football, c’est quelque chose qui n’existe pas… ou alors peut-être dans les petites divisions. Dans un match France - Afrique du Sud, par exemple, après la rencontre, les joueurs vont dans les vestiaires des uns et des autres, boire une bière. C’est un sport qui est dur. Tu dois prendre beaucoup sur toi. Le rugby m’a appris à ne jamais rien lâcher. Et c’est quelque chose que j’ai toujours appliqué dans ma vie professionnelle et en dehors. On t’apprend à ne jamais rien lâcher, à toujours vouloir, vouloir. C’est un petit peu ça, le rugby.

Mélanie : Tu as dit que dans un stade de 80 000 personnes, il y en a 79 900 qui ont déjà pratiqué ce sport. Que peut-on dire du nombre de licenciés dans la région ? Et au niveau national, qu’est-ce que cela représente ?

Jean-Pierre : Comme chacun sait, le principal territoire du rugby dans l’hexagone est situé au sud de la Loire. Dans les autres régions, telles les Hauts-de-France, le Grand-Est ou la Bretagne, c’est plus difficile. Je ne sais pas pourquoi. Je viens d’une région en Belgique qui est proche du nord de la France. C’est une région industrielle comme ici avec le charbon. Ce sont des endroits qui ont véhiculé des valeurs de courage, de convivialité et d’entraide. Le rugby, c’est tout ça. Et je ne comprends pas bien pourquoi le rugby, avec ses valeurs, ne prend pas beaucoup plus d’ampleur ici. Dans les Hauts-de-France, on est à un peu plus de dix-mille licenciés. Ce n’est pas beaucoup au vu des bassins de population importants. Je n’ai pas d’explication au fait que le rugby ne progresse pas plus. Pourtant, ce n'est pas la faute des clubs qui font beaucoup d’efforts en ce sens. Peut-être un peu moins les municipalités.

Dominique : Les jeunes constituant la relève, est-ce que vous faites des actions spécifiquement orientés vers eux afin de mieux faire connaître ce sport ?

Jean-Pierre : Oui, bien sûr. Il y a le challenge Orange qui met en valeur les écoles de rugby. Il y a la labellisation de ces écoles de rugby avec des étoiles : les clubs doivent respecter des critères pour être labellisées. Oui, il y a beaucoup d’actions qui sont mises en place vis-à-vis des écoles de rugby.

Mélanie : Dans la ligue des Hauts-de-France, est-ce que certains joueurs ont évolué à haut niveau ?

Jean-Pierre : C’est difficile. Depuis trois ans, on a mis sur pied un projet au niveau de la ligue. On va essayer de créer une équipe de moins de 18 ans qui va rassembler les meilleurs jeunes des clubs. Ceux-ci ont joué le jeu. On a mis en place une équipe de « moins de 18 ans » qui évolue au niveau national, dans des divisions de plus haut niveau. Et cette équipe a performé. Depuis l’année passée, on a créé deux équipes nommées Les Crabos (-18) et Les Alamercery (-16) qui évoluent au plus haut niveau national. Donc on essaye de faire progresser nos jeunes.
Le problème est que, comme ces garçons évoluent au niveau national en moins de 16 ans et moins de 18 ans, ils rencontrent des clubs huppés du championnat de France, des clubs de qualité qui s’adressent aux parents pour faire venir nos jeunes chez eux, dans leur centre de formation. On conseille les parents en leur disant de ne pas déraciner leur enfant en l’envoyant à Toulouse ou à Toulon. S' ils estiment que le jeune a des qualités, on leur conseille de d’abord les envoyer en Nationale 2, ici, à Marcq-en-Baroeul. Il ne sera pas déraciné. Et s’il a des supers qualités, il sera encore temps de partir vers les clubs du sud de la France. Mais c’est difficile à faire comprendre aux parents. Quand un club comme Toulouse vient sonner à la porte des parents, ça met des étoiles dans les yeux. Malheureusement, quand ces jeunes descendent, ils sont souvent broyés dans la masse.

Dominique : Peux-tu citer des clubs de la région où les jeunes peuvent s’inscrire et pratiquer ?

Jean-Pierre : Avec Marcq-en-Baroeul, c’est la Nationale 2, la porte du professionnalisme. En dessous, il y a les Fédérales. En Fédérale 1, il y a Beauvais. En fédérale 2, il y a Amiens. Et il y a plusieurs clubs qui évoluent en Fédérale 3. Dunkerque, par exemple. Le souci est que ces clubs ont de la difficulté à faire vivre une équipe de moins de 19 ans ou une équipe de moins de 16 ans, en nom propre.

Mélanie : Et est-ce que des manifestations, évènements, portes ouvertes sont organisées pour faire découvrir ces différents clubs ?

Jean-Pierre : Oui, à chaque fin de saison, chacun d’eux organise des week-ends de rassemblements où tous les jeunes sont invités à s’essayer au rugby, à progresser d’un plus petit à un plus grand club… Toutes ces actions ont bien lieu. Mais c’est le nombre global de licenciés qui fait un peu défaut.

Dominique : On va revenir à cette Journée Olympique du 10 juin. Tu as fait un travail extraordinaire, et nous t’en remercions. Par rapport à ces enfants qui découvraient totalement ce sport, comment ça s’est passé ?

Jean-Pierre : J’ai eu des retours des éducateurs qui étaient sur le terrain. Ils m’ont dit que ça s’est merveilleusement bien passé. Un certain nombre d’enfants ont été très intéressés. Je n’ai eu que des retours positifs de la part des encadrants. Il a peut-être manqué, chez nous, la partie concernant le « suivi » : on aurait pu, le jour même, donner à chacun des jeunes qui passait, un petit dépliant expliquant le rugby, les différents clubs se trouvant autour de chez eux…

Mélanie : D’après les retours qu’on a eu, les enfants avaient l’air super heureux. Quelles sont les activités que vous avez mises en place à cette occasion ?

Jean-Pierre : Les éducateurs avaient organisé des jeux ludiques : lancer un ballon, le rattraper, des petits exercices… Il n’y avait pas de matchs en soi car c’était assez compliqué à organiser avec des jeunes ne connaissant pas la pratique.

Mélanie : Pour revenir sur ce manque de communication concernant les clubs se trouvant dans la région, comment les personnes qui lisent cet article peuvent vous retrouver ? Est-ce que vous avez des sites, des réseaux sociaux ?

Jean-Pierre : La FFR a un site internet où on peut retrouver n’importe quel endroit dans l’hexagone. La Ligue de rugby des Hauts-de-France a également un site internet. Nous sommes aussi sur Facebook, Instagram, LinkedIn. Nous avons tous ces outils de communication à disposition.

Dominique : Est-ce que tu peux nous dire combien coûte une licence, et combien coûte l’équipement pour commencer à s'entraîner ?

Jean-Pierre : Pour la licence, chaque club a sa politique. En règle générale, au minimum, ça coûte environ 100€. 80% du prix de cette licence de rugby correspond à l’assurance. Une petite part est pour la fédération, et l’autre, pour la ligue afin qu’elles puissent vivre. Ce qui reste est pour le club. Par exemple, à Maubeuge, la licence senior est à 150€. En revanche, un jeune de l’école de rugby, ne paie que 50€. Et je pense que, dans l’immense majorité des clubs, la licence pour l’école de rugby évolue entre 50 et 60€. Et il existe des mécanismes qui permettent aux parents de récupérer une partie de cette cotisation.

Dominique : Et concernant l’équipement ?

Jean-Pierre : De base, si c’est pour venir s’essayer au rugby, ça ne coûte pas cher. Il suffit d’une paire de baskets, de chaussettes, short et tee-shirt pour les enfants. Tout le monde a ça. Après, quand on évolue en équipe, le gros achat concerne la paire de chaussures à crampons. En règle générale, tous les clubs donnent une dotation à l’enfant qui vient s’inscrire. Il a une paire de chaussettes, un short et un maillot. Pour cette partie de l’équipement, ça ne coûte quasiment rien. Et je sais que beaucoup de clubs font des efforts pour les familles défavorisées, comme leur offrir la licence.

Mélanie : C’est un beau geste. Et si tu avais un message à faire passer aux enfants de l’association, lequel serait-il ?

Jean-Pierre : Je dirais que le rugby est un sport un peu à l’image d'Obélix, quand tu tombes dedans, tu n’en sors plus. Moi, je suis tombé dedans en 1969 et, maintenant que je vais avoir 75 ans, je ne sais toujours pas m’en sortir. Je leur dirais aussi qu’il faut avoir des passions dans la vie. Le rugby en est une. Quand on a des passions dans la vie, on a une belle vie !

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